J‘ai essayé de retracer le parcours de la famille de Yu Teng, famille à laquelle je suis apparentée, d’après souvenirs et archives familiales, traditions orales et Archives de Polynésie Française…
Les patronymes et noms de lieux ont été transcrits tels qu’on les a déchiffrés avec l’aide Maria Yu, ma belle soeur, qui parlait et lisait le mandarin.
A partir de 1907, le rythme de l’immigration chinoise s’accèlere ! 138 immigrants en 1909
Yu Teng fait partie de ceux là
1ère immatriculation le 21 mai 1909 à Papeete, date approximative de son arrivée, sous le n° 1387
Il est muni d’un passeport établi par le Consul de France à Hong Kong et se dit « commerçant ».
Il est alors âgé de 20 ans, fils de J Shoi et de fue Wong Shi, né à Kouei Shan (Canton)
2 ans plus tard, le 14 juin 1911, Lao Kiou débarque à son tour en Polynésie sous le n° 1942.
Elle a 21 ans, native également de Kouishan, fille de feu Luong Tchi Lam (ou Sun) et de feue Ung Shi,
Elle est en possession d’un passeport consulaire émis par le Consulat de France à Hong Kong
Comme de nombreuses femmes chinoises, elle vient rejoindre son » fiancé » pour fonder une famille et ainsi poser les bases d’une communauté endogame. Certaines partaient réellement rejoindre leur fiancé ou leur mari, parti le premier, d’autres furent envoyées à Tahiti rejoindre des hommes qu’elles ne connaissaient pas.
Regroupés dans le quartier Si Ni Tong (quartier du marché) les premiers chinois s’entassaient dans des baraques insalubres.
Gros travailleurs, leurs moments de détente étaient consacrés aux jeux ! La passion devenue légendaire, des chinois pour les jeux de hasard et d’argent perdure encore .
Yu Teng s’installa donc dans le quartier du Marché de Papeete comme de nombreux chinois… C’est là que naquirent les 3 premiers enfants ( entre 1914 et 1920)
Dès 1919, et même sans doute avant cette date, Yu Teng s’établit à Avaturu sur l’île de Rangiroa (Archipel des Tuamotu) … pendant que son épouse réside toujours à Papeete.
Sans doute était-il allé rejoindre son frère aîné, dont on ne sait rien, si ce n’est qu’il est enterré à Tiputa, village voisin d’Avaturu . Actuellement nous n’avons trouvé aucune information sur ce frère….. Seule la tradition orale de la famille nous est restée.
La fiche de « Changements de résidence » de Yu Teng, sur laquelle tous les déplacements des étrangers entre les îles de l’archipel et donc des chinois sont notés, débute le 26 mai 1919… il arrive à Papeete venant de Rairoa (Rangiroa)
Durant un peu plus de 20 ans ses déplacements entre les deux îles sont nombreux !
Il restait 3 à 4 semaines à Papeete, le temps pour lui de s’approvisionner et surtout de régler ses affaires et ses dettes
Lao Kiou, son épouse, le rejoint définitivement vers 1922. Ils tenaient un commerce près du quartier de l’église d’Avaturu (alimentation mais aussi tissus, quincaillerie ). C’est là que naquirent Maria et ses frères et sœurs dès 1923
Le commerce de détail pratiqué par les Chinois était basé sur un système d’entraide…. Les intermédiaires étaient nombreux ! les petits boutiquiers s’approvisionnant auprès de boutiquiers plus importants qui eux mêmes se fournissaient auprès de gros commerçants…..
Toute cette entraide reposait sur la solidarité existante entre membres d’une même famille, famille au sens large puisque le simple fait de porter le même patronyme suffit pour être dit « parents ».. une même origine géographique suffit également !
Vis a vis de leurs clients tahitiens, les boutiquiers chinois pratiquaient souvent le prêt ! qu’importe si un client n’avait pas d’argent pour payer les marchandises …. Il pouvait régler sa note en nature ( nacre, vanille ou coprah notamment) marchandises que le boutiquier revendait ensuite à son compte !
1932…La taxe d’immatriculation et de visa est supprimée mais tous les étrangers doivent acquitter une taxe de séjour de 25 francs par an pour le renouvellement de leur permis de séjour .
Yu Teng, comme tous ses congénères, s’en acquitte régulièrement… payant parfois à son arrivée à Papeete, parfois à Rangiroa.
Mais Yu Teng ne fait pas fortune avec sa petite épicerie et en 1941 il s’installe, avec femmes et enfants, sur l’île de Moorea à Afareaituu .
Yu Teng, devient « agriculteur » et cultive vanille et légumes .
Cette vie dura jusqu’en 1948, date à laquelle Yu Teng quitta définitivement Tahiti, à bord du St Nazaire, pour revenir sur les terres « ancestrales », laissant femme et enfants ! il partit en compagnie d’un de ses petits enfants Afath, fils d’Akiau, alors âgé de 2 ou 3 ans (qui reviendra à Tahiti)
C’est là qu’il s’éteignit en 1960, dans le village de Long Gu, District de Shenzhen .
Lao Kiou, son épouse ou sa concubine ( les informations varient selon les documents) n’a commencé a se déplacer qu’a partir de 1930, indépendamment de son mari.
Lors de ses séjours à Papeete elle n’allait pas voir les mêmes personnes que Yu Teng et semblait s’installer plutôt dans la famille…
Après le départ de son mari, elle fit un dernier voyage à Rangiroa puis s’installa définitivement à Papeete « n° 445 face Viennot » le 12 janvier 1949
Elle s’éteignit le 8 octobre 1970 à Papeete et repose dans le Cimetière chinois d’Arue
Les enfants de Yu Teng et Lao Kiou…. ont, pour certains, définitivement quitté la Polynésie, volontairement ou non.
De nombreux descendants des immigrants chinois ont émigré vers la Nouvelle Zélande ou les États Unis, parfois vers la France, et les « enfants et petits-enfants» de Yu Teng n’ont pas failli à la règle.
La Nouvelle Zélande, Nouméa en Nouvelle Calédonie, la France, Honolulu et San Francisco aux États Unis… telles ont été leurs destinations
Mais nous allons parler de Ou Yong ! Né le 11 juin 1928 à Avaturu, il était le 5 ou 6ème enfant du couple. Dès son plus jeune âge, il fut envoyé en Chine pour tenir compagnie aux ancêtres restés aux pays, tradition oblige.
Il ne revint jamais à Tahiti, fondant une famille dans le village « ancestral » de Long Gu sous le nom de Yu Liang .. c’est là que Yu teng est décédé, tout comme avant lui son père….